Une petite histoire de la fabrication d’un livre

3 septembre 2019 - Expertises

En 2018 j’ai travaillé à la conception d’un livre sur la ville de Rochefort.

C’est un projet d’éditeur, La Geste, sur lequel nous avons conjointement travaillé à deux, Jean-André Lecru au texte, et moi-même à la photographie.

L’objet du livre est un regard croisé, un point de vue subjectif, sur ce qui constitue Rochefort aujourd’hui. En quelque sorte, il s’agit de montrer les 100 lieux à voir de la ville.

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La conception d’un tel ouvrage revêt différentes facettes telles que le choix des sujets, le choix du ton général que l’on souhaite donner à l’ouvrage, enfin l’assemblage de la matière collectée. Certains lieux sont très vite identifiés. Comme incontournables pour Rochefort, nous pouvons citer la Corderie Royale, la maison Pierre Loti, le Transbordeur, tout comme l’évocation du projet Hermione, pour n’en citer que quelques-uns. D’un commun accord avec Jean-André Lecru, nous avions aussi envie de montrer aussi le Rochefort plus secret, ou disons moins connu, le Rochefort des chemins non balisés, non évidents. Ces chemins sont aussi des constituants de l’identité d’une ville. Pour ce faire, rien de mieux que de laisser une part de hasard s’immiscer dans le processus.

Durant l’année du projet, je suis donc sorti en reportage à plusieurs reprises, sans direction précise ou point de chute établi. Je sors le sac photo, direction Rochefort, et je joue à me perdre dans des rues, quartiers, que je ne connais pas du tout ou peu. C’est la chance du photographe ; en balade au grand air, à se laisser porter par le hasard, par son instinct. Ce jour-là j’emprunte une route qui va se terminer aussi sec, coupée par une voie de chemin de fer. Sur le point de faire demi-tour j’aperçois un espace bariolé de jardins ; je ne savais pas qu’il y avait ici un espace de jardin partagés. Il y en a plusieurs éparpillés sur la ville, et je souhaite en faire entrer un dans le livre. Je fais halte et gare mon destrier. Le portail semble fermé, j’aperçois quelqu’un, hors de portée, au fond du jardin. Les angles depuis ce grillage ne me plaisent pas, donc j’entreprends de contourner le tout.

Un chemin longe la voie ferrée, il va peut-être déboucher plus loin sur une autre ouverture… après 200m en effet un passage ; j’ai finalement dépassé le fond du jardin, un homme s’active à déblayer son bout de terrain ; il m’explique qu’en fait je suis là sur un terrain privé, que les jardins partagés s’arrêtent au grillage devant nous. Vous voulez y entrer ? Ni une ni deux il hausse la voix pour appeler une femme qui s’active dans ce fond de jardin. Après explications, je suis invité à refaire le tour inverse, et me présenter au portail qui sera cette fois-ci ouvert. Martine m’ouvre la porte, et je vais ainsi faire une visite improvisée des différentes parcelles de ce jardin partagé. Chaque parcelle est un peu à l’image de son(sa) jardinier(ère), et certainement le reflet de sa personnalité. Au milieu, un petit espace herbé fait office de terrasse : une table, des chaises éparpillées sous les branches d’un arbre ;
« Ici les gens se retrouvent le soir pour discuter ».

Chez Martine, tout est réfléchi, pensé, l’alliance des végétaux entre eux, le placement géométrique, suivant des lignes, des courbes secrètes, le tout en harmonie avec l’énergie cosmique du monde. Au centre de la parcelle, tout est contenu au sein d’un cercle énergétique ultime. « Ici je suis bien, je remets en ordre les choses à ma façon… »
Au milieu du jardin au cours de la visite toujours accompagné de Martine, mon regard s’arrête sur une scène que je n’attendais pas ici : une poupée, tâche colorée au travers du vert dominant, est posée sur une table, sous un petit abri. Son jardinier est absent, elle semble l’attendre… Je m’accroupis au milieu du jardin pour fixer ce moment ; ce sera une des photographies du livre.

S’en remettre parfois au hasard, ça fait du bien…

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